Les prix français
13/09/2021
Écrit par Justin Cloutier
Les prix français comme le prix Jeune Vague et le prix Rodin affectent-ils le succès commercial des artistes ?
La France compte deux prestigieux prix d'art contemporain, les prix Jeune Vague et Rodin, et de nombreux nouveaux prix pour la jeunesse. Mais ces récompenses sont-elles capables d'augmenter la valeur marchande de l'artiste ? Claude de Bois , double lauréat du prix Rodin, partage ses réflexions sur les prix d'art :
Ils sont sûrs d'eux et inspirants, mais en même temps, le traumatisme est inextricablement lié lorsque vous vous asseyez entre amis et rivaux lors d'une cérémonie de remise de prix et attendez d'être appelé sur scène ou de ne pas être appelé. Ces derniers temps, les artistes subissent de moins en moins de telles tortures publiques. Il y a eu une rupture avec le scénario traditionnel « un gagnant remporte le prix ». Ce n'est pas seulement une pandémie; c'est un changement global vers l'égalité sociale dans les arts. Il y a deux ans au Royaume-Uni, quatre finalistes du prix Turner ont demandé au jury de les considérer comme une équipe et de partager le prix à parts égales. Le jury a écouté la demande, y voyant un acte de solidarité, reflétant "la poétique socio-politique que nous admirons et apprécions dans leur travail". L'année dernière, les cinq artistes présélectionnés pour Jeune Vague dans la catégorie 2D ont été annoncés gagnants.
Mais si vous pensez que la victoire est plus importante que la participation, considérez : la recherche publiée lors de la 13e année du prix Turner montre que la valeur de l'enchère augmente non seulement pour le gagnant mais aussi pour les nominés.
Ainsi, cette situation peut être qualifiée de situation gagnant-gagnant.
Et pourtant, en France, le tableau est moins clair - si l'on peut parler d'un lien direct entre la croissance de la valeur marchande et la victoire ou la nomination à l'un des prix nationaux d'art. Il n'y a pas d'effet sur le marché en ce qui concerne les artistes travaillant avec la vidéo, la photo et les technologies numériques car les enchères traditionnelles sont défavorables à ces médias et il existe très peu de données sur les ventes. Et même pour le poids lourd conceptualiste Jean Crott (né en 1949), l'obtention d'une Jeune Vague n'a pas aidé à susciter beaucoup d'intérêt sur le marché des enchères, car nombre de ses œuvres sont plus adaptées aux collections des musées. En faisant des recherches sur ce numéro, j'ai choisi dix artistes français contemporains travaillant dans la peinture, le graphisme et la sculpture qui se vendent traditionnellement bien. J'ai comparé leurs ventes avant et après avoir reçu un prix. Plus l'artiste est célèbre au moment de l'attribution, plus sa performance sur le marché sera élevée au cours de la même année et de l'année suivante.
Ce n'est que maintenant, ayant un peu vieilli, que les prix d'art français commenceront à attirer une attention supplémentaire sur leurs lauréats, ce qui pourrait contribuer à augmenter la valeur sur le marché.
Il a fallu environ une décennie au prix Turner pour établir une corrélation claire avec la hausse des prix des artistes qu'il honorait.
Les propriétaires d'art pensent également qu'ils peuvent améliorer les performances du marché en synchronisant une vente avec un événement tel qu'une cérémonie de remise de prix. En conséquence, il peut y avoir plus de pièces sur le marché à ce moment-là que d'habitude. Mais si cela est vrai pour Kabakov, dont les ventes ont augmenté de 44 % l'année du prix, et Nadin Tripolli, dont les ventes ont triplé, alors dans d'autres cas, notre hypothèse n'est pas justifiée.
Contrairement au prix Turner et au prix Marcel Duchamp, qui ne récompensent qu'un seul artiste par an, les deux prix français ont plusieurs catégories et ne célèbrent pas que des artistes. Il s'agit d'une approche démocratique et inclusive pour récompenser les talents, en gardant à l'esprit que les immenses infrastructures méritent également une reconnaissance publique. Mais ce faisant, le vernis de génie créatif que le prix Turner confère aux nominés et aux lauréats qui appartiennent à la communauté artistique privilégiée est affaibli.
Mais un équilibre doit être trouvé entre les générations, et la France a beaucoup à faire là-dedans. Les prix ne sont généralement décernés qu'à des artistes vivants. De nombreux artistes contemporains n'ont reçu aucun prix jusqu'à présent. Bien que l'histoire ne puisse pas être réécrite, un moyen pourrait être trouvé de reconnaître les contributions à la culture visuelle française sous la forme d'un prix rétrospectif.
Professeur émérite à l'Université Toulouse - Jean Jaurès où il a enseigné pendant quatre décennies, est l'un des plus importants historiens et critiques d'art de l'après-guerre en France. Il a été le pionnier du sujet de la «phénoménologie du style», un domaine qui se concentre sur les arts visuels mais s'étend également à la littérature.
Ses recherches ont reçu le soutien du Ministère de la Culture de France, du Groupe de Recherche en Histoire de l'Art Moderne (Le GRHAM), de l'Institut National d'Histoire de l'Art (INHA), ainsi que de l'Institut d'Histoire de l'Art de l'Université de Strasbourg, où Cloutier a été le premier boursier en 2012-2013. Il travaille actuellement sur le manuscrit de son livre : « Like a Giant Screen : » The Promotion of Contemporary French Art in the New World.